Sécurité des vols, accidentologie, facteurs humains et… santé.
FFH – AG Avril 2024
1 - Généralités
La Commission médicale n’ayant pas eu à connaître de problèmes particuliers de santé des membres de la Fédération depuis plus de 2 ans, il est opportun de se pencher sur la sécurité des vols vue sous l’angle sanitaire.
Quelles sont la part purement technique et la part humaine dans la genèse des accidents ? Et dans cette dernière, n’y a-t-il pas un lien avec la santé, directement ou par l’intermédiaire de nos capacités et aptitudes au pilotage ?
Comme nos contemporains, la communauté des pilotes privés est plus ou moins victime de perturbations sociétales de plus en plus dures et anxiogènes. L’accès aux soins étant difficile, on peut se demander quelle est la forme – physique et psychique – des pilotes et si celle-ci joue un rôle dans la sécurité des vols.
Que savons-nous de leur état au moment où certains pilotes sont gravement accidentés ?
Nous avons repris en détail les rapports du BEA (Bureau d’Enquêtes et d’Analyses pour la sécurité de l’aviation civile) concernant les accidents graves d’hélicoptères jusqu’en 2023, afin d’essayer d’en discerner et regrouper les causes originelles.
Les résultats encore provisoires de ce travail semblent montrer qu’il faut distinguer le travail aérien d’une part, avec un ensemble de causes opérationnelles spécifiques et les vols privés d’autre part. Tous impliquent trop souvent des facteurs humains : surconfiance, persévération dans la conduite du vol, fatigue et défaut de formation ou d’expérience suffisante sur la machine. Ces causes humaines des accidents sont en rapport avec de mauvaises décisions prises…
En outre, depuis l’interruption pour cause de Covid et les difficultés économiques qui ont suivi, il semble que bon nombre de pilotes privés aient réduit leur activité aérienne, alors que le pilotage d’un hélicoptère est beaucoup plus exigeant que celui de la plupart des avions. Ils doivent (en plus des vols de prorogation qui ont lieu annuellement avec un examinateur sur chaque type d’appareil) pouvoir voler :
– soit très régulièrement,
– soit avec un instructeur et, dans ce cas, sans être pénalisés par le fait de classer ces vols en « double commande ». D’ailleurs, aux USA où la sécurité est le moteur de l’administration de l’aviation, un vol de ré-entraînement (« refresher training ») est officiellement classable pour le pilote en « PIC » (« Pilot In Command » ou commandant de bord).
2 - Analyse
Une étude rétrospective (à paraître) des accidents graves d’hélicoptères survenus de 2008 à 2023 (67 événements selon le site du BEA, dont 59 sont analysés) permet d’observer que :
– 82 morts et 54 blessés graves sont à déplorer,
– les facteurs humains sont en cause dans 53 cas (89 % des cas) au moins,
– parmi ceux-ci, on peut distinguer surconfiance (14 cas), déficit de formation (12 cas) et persévération (10 cas)…
Plus encore que les autres aéronefs (du fait de leurs capacités et de leur instabilité intrinsèque, véritable revers de leur grande manœuvrabilité), le pilotage des hélicos requiert un entraînement fréquent, une conscience de la situation et donc une vigilance de tous les instants pour pouvoir PRENDRE LA BONNE DÉCISION AU BON MOMENT.
Prendre la responsabilité d’assumer la sécurité du vol passe d’ailleurs par la prise de conscience de ses propres limitations…Et comment être capable d’assumer cette fonction essentielle du commandant de bord sans une santé optimale ?
La réglementation européenne (MED.A.020) impose à tous les pilotes de renoncer à exercer leurs privilèges (voir le verso de votre certificat médical) en cas :
– d’altération de leur état de santé,
– de toute prise de substance psycho-active (sauf café et tabac) et
– de tout médicament… sans l’avis d’un médecin aéronautique.
A défaut, la prise de risque pour la sécurité du vol est considérable, sans oublier le retrait des assurances du processus d’indemnisation en cas d’accident.
Il est pourtant simple de renoncer au vol et même tellement facile – par rapport aux avions – d’interrompre le vol (de s’arrêter – se poser – en campagne) si les conditions de sécurité maximale du vol ne sont pas réunies…
Mais au quotidien, comment évaluer en pratique son aptitude physique et mentale à exercer seul les fonctions de commandant de bord c’est-à-dire à décider de choisir la sécurité au moment opportun ?
Prendre la responsabilité d’assumer la sécurité du vol passe d’ailleurs par la prise de conscience de ses propres limitations…Et comment être capable d’assumer cette fonction essentielle du commandant de bord sans une santé optimale ?
VÉRIFICATION DE NOTRE APTITUDE À ÊTRE COMMANDANT DE BORD
Des outils d’auto-évaluation de notre forme physique et mentale ont été développés, principalement outre-Atlantique. Le plus célèbre, car très performant, est basé sur l’acronyme I’M-SAFE. Il est complet quand il permet de vérifier les points suivants :
I (« Illness ») = absence de toute maladie ; même un simple rhume peut causer de vives douleurs et rendre le pilotage impossible. Si vous ne vous sentez pas bien, ne volez pas.
M (« Medication ») = tout médicament (prescrit ou non) est susceptible d’interagir avec votre état de veille/sommeil ou, plus généralement, vos capacités de conduite, donc de pilotage. En cas de doute persistant après vérification sur internet, contactez un médecin agréé aéronautique.
S (Stress) = le moindre souci – sentimental, professionnel ou affectant simplement les activités prévues après le vol – peut induire chez certaines personnes un obscurcissement de la pensée et une distraction de la conduite du vol. On ne gère pas tous nos émotions de la même façon. Ne les laissons pas entraver la prise d’une bonne décision, c’est fondamental.
A (Alcool) = s’il est interdit de boire ne serait-ce qu’une goutte d’alcool dans les 8 heures précédant un vol, on sait que des effets persistants de l’alcool font conseiller l’abstinence pendant 24 h. Et toute autre substance avalée ou fumée qui peut avoir un effet psycho-actif (hors café et tabac) est interdite car dangereuse pour la gestion du vol.
F (Fatigue) = la privation ou le retard de sommeil induisent une diminution des réflexes et un retard dans la prise de décision souvent retrouvé dans la genèse d’accidents aériens. Le taux d’erreur de pilotage augmente avec la fatigue. Pas de vol (comme seul pilote à bord) si la nuit précédente n’a pas été vraiment bien reposante !
E (« Eating ») = plus complète que la version mentionnant à nouveau les émotions (qui ont été vues au paragraphe « stress »), cette auto-évaluation rappelant la nécessité de ne pas être à jeun pour piloter est ca-pi-tale ! Méfions-nous du petit café qui nous fait croire qu’on est en forme, de la « barre chocolatée » et de toute nourriture à base de graisses saturées… Une alimentation saine et une hydratation préalables à tout vol permettent de prévenir nombre de malaises, évanouissements, perte de repères et de concentration.
L’important, dans la mise en œuvre de cette évaluation, c’est l’honnêteté avec laquelle on s’applique soi-même la liste de ces questions…
Enfin, concernant spécifiquement le pilotage des voilures tournantes, il n’est pas inutile de conseiller de tester ses capacités d’équilibre. Par exemple, en se mettant debout sur un pied puis, écartant les bras, on ferme les yeux et on tient … au moins quelques 3 ou 4 secondes…
Si tout n’est pas impeccable, on reporte… ou on vole avec un instructeur !
TROUSSE DE SECOURS
Avril 2024
La Commission médicale rappelle que la trousse de premiers secours (« First-aid kit ») est obligatoire dans chaque hélicoptère. Attention : toutes les trousses disponibles dans le commerce ne sont pas conformes !
Selon la réglementation de la partie NCO* de l’AESA qui nous concerne (NCO.IDE.H.145), chaque hélicoptère (même le plus petit, dès qu’il est certifié) doit être équipé d’une trousse de premiers secours « facilement accessible en vol ou immédiatement après atterrissage ».
Celle-ci doit comporter impérativement les éléments vérifiés à jour -donc non périmés- suivants (les éléments écrits en caractères gras correspondent à la conformité obligatoire depuis plus de 4 ans) :
- bandages de plusieurs tailles, dont un triangulaire (permettant d’effectuer une écharpe de soutien d’un membre supérieur),
- pansements de brûlures (petits et grands modèles),
- pansements de plaies (petits et grands modèles),
- pansements adhésifs (plusieurs tailles),
- nettoyant antiseptique de plaie,
- ciseaux de sécurité (à bouts ronds),
- gants à usage unique,
- «aide à la réanimation » (kit permettant une ventilation « bouche à bouche » propre par embout plastique) à usage unique,
- masques chirurgicaux.
Faute de quoi les propriétaires et exploitants risquent une amende et, en cas d’accident, les assurances pourront refuser de prendre en charge certains dommages…
Référence : https://www.easa.europa.eu/downloads/20342/en (page 2039 et suivantes)
La Commission médicale :
Ph. Contencin M. Méry